Chapitre V : Doutes&

 

 

 

02H10, le 02-06-1986, Tokyo

 

Tokyo n'était pas vraiment très différente de Chicago. Grande ville emplie de lumière et d'énergie, elle renfermait toute la puanteur du mal et de la mort.

Installée sur le toit d'un des plus hauts bâtiments, Rally observait la ville, essayant d'imaginer quels crimes pouvaient bien s'y dérouler.

Sans s'en rendre compte, à force de côtoyer des meurtriers et des voleurs à longueur d'années, Rally était devenue amère et avait de plus en plus tendance à voir le mal partout. Elle n'avait même plus un remord quand elle tuait un criminel.

Pourquoi en avoir ? Chacun récolte ce qu'il sème&

Mais cette quasi-haine qu'elle ressentait pour tout ceux qui s'écartaient du droit chemin commençait à la vider de toute énergie. En fait, plus que de son énergie, elle se vidait de ce en quoi elle croyait.


Je deviens comme eux&


Devenir comme eux était la chose qu'elle redoutait le plus. Elle redoutait plus que tout le jour où elle ne ferait plus la différence entre le bien et le mal.
En y réfléchissant, elle commençait à se demander si elle n'avait jamais su où s'arrêtait le bien et ou commençait le mal&

Non, je suis différente d'eux ! Eux, ils ont commis des crimes avant que je ne les tue ! Et si j'ai tué c'était toujours en légitime défense !

Etait-ce vraiment toujours en légitime défense qu'elle avait ôté la vie ? Et les hommes à l'intérieur de l'entrepôt ? Certains, beaucoup même avaient dû mourir quand tout s'était écroulé. Et sur le coup, ça l'avait amusé. Elle avait ri de l'erreur qu'elle et Miki avaient commise. Elle avait ri sans se soucier de savoir que des hommes étaient morts...

Mon Dieu, ils devaient avoir des familles, des amis& Mais que suis-je devenue ? Mais qu'ai-je fait !?

Plus elle réfléchissait et plus elle se sentait mal.
Après tout, en quoi était-elle différente de ceux qu'elle chassait puisqu'elle faisait comme eux, sans avoir plus de remords&

Pleurant à chaudes larmes, Rally s'endormit là, sur les hauteurs de la ville -et elle savait qu'à partir de cette nuit, les cauchemars reviendraient, mais qu'ils auraient cette fois une origine bien différente&

 

15H10, le 05-06-1986, Ôshima

 

Le temps était passé relativement vite depuis que Rally s'était rétablie.
Mey avait passé son temps avec Falcon pour apprendre de nouveaux trucs sur les explosifs et la confection de pièges.
Peu après que Rally et Miki soient revenues de leur mission -où Rally s'était en fait incrustée d'après ce qu'elle avait pu comprendre-, Mey trouvait que Rally était bizarre.

D'abord elle s'en va toute la nuit et ne revient qu'au matin sans donner d'explication claire, et ensuite elle ne dit pratiquement pas un mot pendant trois jours.

Mey commençait à se demander si l'hypnose de Miki n'avait pas un peu foiré&
Rally semblait ailleurs en permanence ! Il fallait tout lui répéter deux fois pour qu'elle entende, et au moins quatre fois pour qu'elle daigne écouter !
De plus, toutes les tentatives de Mey pour savoir ce qui n'allait pas échouaient avant même de commencer : Dès qu'elle arrivait avec l'intention de parler, Rally semblait le sentir et prétextait une excuse pour y échapper.
Mey était vraiment inquiète.

Miki les avaient emmenées à une plage qu'elle aimait bien pour se changer les idées et Rally n'avait même pas mis les pieds dans l'eau. Un bon quart des hommes sur la plage avaient les yeux braqués sur elle et elle ne le remarquait même pas ! Elle était assise sur le sable, la tête posée sur les genoux, le regard dans le vague&

Mey n'arrivait pas à le croire. Depuis qu'elles se connaissaient, Rally et elles s'étaient souvent disputées, mais jamais Rally n'avait refusé de se confier à elle. Dès que quelque chose n'allait pas Mey était toujours la première à le savoir.

Il fallait qu'elle se calme et qu'elle essaye une autre méthode.

La culpabilité, voilà un truc qui marchait toujours avec Rally !

Rally l'implorait, Mey pouvait le sentir dans sa voix. Elle cachait son visage derrière ses genoux mais Mey pouvait voir qu'elle pleurait.
Ce n'était pas du tout la réaction à laquelle elle s'était attendue.
Rally qui était d'habitude si forte semblait aussi fragile que du verre et une simple remarque avait suffit à la briser.
Sentant la honte et la tristesse l'envahir, Mey s'approcha de son amie et la prit dans ses bras&

 

12H25, le 06-06-1986, Aéroport de Tokyo

 

Cela faisait bientôt une semaine qu'elle s'était fait hypnotiser et -sa mélancolie mise à part- tous semblait s'être parfaitement déroulé. Miki n'avait vu aucun signe de rejet et lui avait confirmé hier que tout était parfaitement normal.

Cherchant un moyen d'oublier ses problèmes, Rally avait décidé de rentrer à Chicago et de se plonger à fond dans le boulot.
Mais elle ne voulait pas n'importe quel boulot, elle voulait quelque chose qui la monopolise totalement de manière à ce qu'elle ne pense plus à rien d'autre que ça.

Miki et Falcon étaient venus leur dire au revoir et, même si elle avait quelques à priori sur Falcon, elle devait bien reconnaître qu'il était très gentil, et même touchant de part sa maladroite tendresse envers Miki...
Il ne leur restait que quelques minutes avant le décollage et c'était l'heure des adieux -chose dont Rally avait horreur&

Miki et Rally riaient de bon cSur et elle était un peu triste de savoir qu'elle ne la reverrait pas avant longtemps&

S'approchant de Falcon, Rally fit un petit bond pour déposer un baiser sur la joue du géant. Il était vraiment touchant& Ce géant à l'air bourru vira au rouge et articula un " Hum ! " en guise d'au revoir.

 

23H25, le 06-06-1986, Chicago

 

Le voyage avait été long& Rally n'avait cessé de se remettre en question depuis plusieurs jours et ça l'épuisait.

Pourquoi ceci, pourquoi cela ? Je me pose trop de questions&

Malgré tout, elle continuait quand même de s'interroger&

Miaou ? Depuis quand a-t'on un chat ?
Ah, non& C'est la nouvelle sonnerie de téléphone que Mey a installé avant qu'on parte&


Vingt trois heures trente& Quelle est l'abruti qui pouvait bien les déranger à pareille heure&

Rally ne voulait pas parler de Miki et Falcon à Becky, du moins pas au téléphone&

Rally priait très fort pour que Becky n'insiste pas car elle pouvait être très chiante quand elle s'y mettait. Enfin, c'était le travail de toute bonne informatrice&

Rally lui expliqua alors pour l'hypnose faite par une amie de Mey et pour le soulagement qui en avait découlé.
Elle lui demanda ensuite si elle n'avait pas une grosse affaire pour elle, histoire qu'elle se change les idées&

A ce nom Rally frémit. Elle n'avait pas peur de lui mais gardait quand même un assez mauvais souvenir de leurs rencontres.
La première fois, elle lui avait arraché la main avec un fusil à pompe et la deuxième fois, il avait failli la violer et la tuer. Heureusement, Mey était intervenue et, avec l'aide de la police, elle avait réussit à l'arrêter.
Il s'était échappé de prison quelque mois après, et dirigeait depuis son organisation, essayant de tenir tête à Kaibara.
Elle n'avait jamais réussi à obtenir des infos capables de l'aider à l'attraper depuis, mais c'était pile le genre d'affaires qu'elle recherchait en ce moment.

Rally n'en revenait pas ! Becky la radine qui lui refilait autant d'infos gratuitement ! Fallait profiter de l'occasion.

Rally en eu le souffle coupé.

Deux cent mille dollars ! C'est ce que je touche pour dix affaires ça !

Ce mec devait vraiment être très très fort pour qu'on le paye une somme pareille&

Grey& Voilà qui devrait pouvoir lui occuper l'esprit quelques temps.
Extenuée, Rally n'eut pas le réflexe d'aller jusqu'à sa chambre et s'endormit sur le canapé.

 

09H00, le 07-06-1986, Chicago

 

Rally avait relativement bien dormi. Pas de cauchemars, ou du moins, si elle en avait fait, elle les avait oubliés&
Elle devait se rendre à la planque que lui avait indiquée Becky sur le fax, mais elle ne voulait pas réveiller Mey.
Griffonnant rapidement un petit mot, Rally se demandait si Mey allait encore lui faire la gueule. Le truc habituel : Je suis ta partenaire, blablabla&
Certes Mey était sa partenaire, mais certaines affaires nécessitaient d'être seule. Là, elle ne comptait pas attaquer Grey mais seulement le suivre.
Le but était de choper Grey, le mec qu'il devait rencontrer et, si l'occasion se présentait, d'attraper les deux tueurs.
Elle n'en revenait d'ailleurs toujours pas.

Deux cent mille dollars& Dire que la prime sur la tête de Grey ne doit pas excéder les trente à quarante mille...

Evidement, il ne devait pas y avoir de prime sur la tête de ce tueur. Si personne ne connaissait son visage, personne ne devait savoir non plus quels crimes il avait bien pu commettre&

 

09H40, le 07-06-1986, Chicago

 

La route était déserte, Grey se planquait dans un coin paumé de Chicago, à l'abri des regards.
Rally n'avait rien emmenée d'autre que son CZ-75 et elle avait donc intérêt à assurer. Si elle était repérée, elle ne tiendrait pas le choc contre tous le groupe de Grey. Tout devait ce jouer sur la discrétion.
Elle avait seulement deux chargeurs de rechanges et ils devaient être plus nombreux qu'elle n'avait de balles&

Et merde... De toute façon je ne tuerais plus personne&

Malgré ses dernières pensées, elle savait très bien que l'instinct de survie était le plus fort et que si sa vie était menacée, elle n'hésiterait pas à tirer.

Bon, bah y a plus qu'à faire en sorte que ma vie ne soit pas menacée&

Grâce aux indications que lui avait données Becky, elle n'eut aucun mal à trouver la planque de Grey parmi tous les entrepôts.
Celui où Grey se planquait était en tous points similaire à tous les autres de la zone : De grands blocs de bétons gris, sale et mal entretenu.
S'approchant discrètement, Rally pu apercevoir que l'entrepôt n'était quasiment pas gardé. D'un côté ça paraissait logique : s'il y avait eu des gardes partout, ça aurait attiré l'attention.
Elle n'eut donc aucun mal à se faufiler à l'intérieur.
Il y avait seulement une dizaine d'hommes dedans, d'après ce qu'elle pouvait voir. C'était une planque d'armes, pas un quartier général ou une planque, comme Becky le lui avait dit, et Grey semblait se préparer pour un évènement important.
Rally était planqué en hauteur, sur l'une des longues poutres métalliques qui traversaient l'entrepôt de part en part. De son poste d'observatrice elle pouvait voir et entendre sans prendre trop de risque.
Heureusement qu'elle n'avait pas le vertige car elle se trouvait quand même à près de dix mètres du sol.
Malgré la distance et grâce à la réverbération qu'il y avait dans ce grand entrepôt, elle pouvait entendre Grey comme si elle était à côté de lui. Il était assis sur une caisse d'arme et discutait avec un de ses hommes de ce qu'il comptait faire le soir.

Ils se mirent ensuite à parler de différentes transactions à venir et le reste de la conversation ne fut pas intéressant pour Rally. Pas plus que le reste de la journée d'ailleurs&

 

00H28, le 08-06-1986, Chicago

 

Grey avait passé la journée dans l'entrepôt sans rien faire.
Rally était complètement meurtrie. Elle avait passé la journée allongée sur une poutre de métal d'un mètre cinquante de large sans bouger. Ses muscles étaient tout engourdis et chaque minute qui passait était un supplice.
Un téléphone sonna dans l'entrepôt, détournant Rally de sa douleur musculaire quelques instants.

L'homme changea d'expression. Il semblait agité.

Rally du se faire violence pour ne pas hurler de douleur quand elle se releva. Elle avait des crampes partout.
Rampant discrètement, Rally vit Grey s'approcher de la sortie.

Ah Non, je n'ai pas attendu toute la journée pour que tu me files entre les doigts le moment venu !

Se pressant, Rally sortie de l'entrepôt sans trop faire attention à ce qu'on ne la voit pas.
Heureusement pour elle, les hommes de Grey étaient trop agités pour se rendre compte de sa présence&

 

01H10, le 08-06-1986, Chicago

 

Rally avait appelé Minnie qui l'avait rejoins dans le centre vingt minutes plus tard. Elles filaient toujours Grey qui se dirigeait dans la partie hôtelière de Chicago.

Grey et ses hommes descendirent de leur voiture et marchèrent quelques secondes. Ils n'allèrent bien pas loin et Rally et Mey les suivirent du regard quelques instants.

Les hommes de Grey avançaient plus vite que lui et semblaient suivre un homme.

De loin elle ne voyait pas grand chose de lui, d'autant plus que la rue était assez mal éclairée.
Elle pouvait cependant voir qu'il était assez grand, dans les un mètre quatre vingt et qu'il devait être châtain clair, peut-être blond&
L'homme s'engouffra dans une ruelle et les hommes de Grey le suivirent.

Rally fit démarrer la Cobra en trombe et entra dans la ruelle, plein phare.
Descendant de la voiture, elle remarqua que l'homme s'était tapi dans l'ombre, au fond de la ruelle.